ADI… Allaitement à Durée Indéterminée
ADI… voilà un concept postmoderne mais qui existe en réalité depuis la nuit des temps… Sans l’allaitement à long terme, sans allaitement tout court, les “homo sapiens” n’auraient pas vécu longtemps…
Nous traversons une époque particulière: on a d’avantage confiance dans notre rationalité technique que dans les lois naturelles; on rejette ou on oublie ce qui construit l’homme dans sa totalité, et pour ceux qui tentent de ne pas oublier, il faut activer toutes ses capacités pour surmonter mille préjugés qui empêchent nos plus simples facultés d’exercer leurs fonctions vitales et mutliséculaires…
Notre société médicalise toujours davantage, elle industrialise chaque jour encore un peu plus, elle réalise des prouesses techniques incontestables, mais répond-elle pour autant aux profondes aspirations de l’homme.? N’avance-t-elle pas parfois à rebours d’un développement qui le respecte? La connivence commerciale et médiatique ne se fait-elle pas au détriment d’une opinion plus personnelle et conforme aux réalités expérimentales? Il y a de nombreux gestes qui ne coûtent rien, qui font beaucoup de bien, mais qui sont déclassés car ils ne s’inscrivent dans aucune logique mercantile. L’allaitement n’en fait-il pas partie?…
Parfois il faut avoir du courage pour affirmer ses positions et partager ses interrogations…
Allaiter or not allaiter est une question que se posent de nombreuses mamans lors de leur grossesse. Pour certaines, cela “coule de source”, pour d’autres c’est anormal, d’autres encore pensent ne pas savoir faire ou ne pas avoir assez de lait… Il y a certainement autant de façons de formuler la question qu’il y a de mamans!
Certaines femmes ont décidé ou “accepté” d’allaiter leur bébé parce que c’est “le mieux” ou simplement parce que pour elles c’est l’acte le plus naturel au monde… Si cela fonctionne, chacune se demande ensuite combien de temps il faut allaiter. Y a-t-il un risque à allaiter trop longtemps?…Là encore, autant de pratiques et de questions que de femmes en œuvre d’allaitement…
Et lorsque au-delà de 6 mois, l’enfant est encore accroché à votre sein, le monde vous scrute d’un regard interrogateur…parfois un brin menaçant…ou vous envoie une sentence psychomédicale soutenant qu’ainsi l’enfant risque de devenir un “Tangy à durée indeterminée”….
Mais, pour qui a vu la sérénité d’un enfant allaité (les enfants non allaités peuvent l’être aussi!) et sa capacité un beau jour à abandonner de lui-même cette douceur maternelle pour “attaquer” tous les aliments de la terre, il ne fait pas de doute que dans le développement de l’être humain chaque étape naturelle a sa raison scientifique…
Alors pour terminer ce billet, quelques observations relevées par des médecins et des sage-femmes pour alimenter la réflexion sur l’allaitement à durée indeterminée (ou long)…
Savons-nous que l’allaitement long
- se fait dans une majorité de pays,et que dans le tiers monde il sauve des milliers de vie d’enfant
- favorise l’attachement mère-enfant et leur équilibre psychique
- renforce le système immunitaire
- protège l’enfant du nombre de virus saisonniers (rhumes etc)
- protège son système digestif
- protège d’une multitude d’allergies chez l’enfant et le futur adulte
- protège des maladies infectueuses, en particulier ORL pendant la première année
- évite l’obésité infantile
- etc…
Des recherches scientifiques ont montré que pour ces maladies l’effet protecteur du lait maternel est indiscutable. Et l’effet protecteur dépend de la durée de l’allaitement. Plus on allaite longtemps, plus la prévalence de ces maladies diminue.
L’OMS conseille un allaitement exclusif jusqu’à 6mois et un allaitement mixte (avec de la nourriture solide) jusqu’à 2ans.
C’est un petit résumé. Mais de nombreuses études existent…pour les soirées d’hiver!
Le sevrage
Autrefois, et dans les anciens écrits qui nous sont parvenus, sevrer voulait dire “mûrir”. On utilisait le même mot pour cueillir un fruit mûr que pour sevrer un bébé. Le sevrage a été considéré comme une étape importante et positive dans la vie du bébé et non comme la “fin” d’unerelation. Tout le village participait à cette fête. Il ne s’agisssait pas de fêter la “libération” de la femme, mais l’aptitude reconnu du bébé à développer de nouveaux liens au sein de la communauté…
Le sevrage était d’ailleurs vu comme un acte pacifiant comme en témoigne la Genèse (21,8), I Samuel (1,21-24) ainsi que le psaume 131 cité ci-dessous:
” Non, mais j’ai apaisé et j’ai calmé mon âme.
Comme un enfant sevré sur le sein de sa mère,
Comme l’enfant sevré, mon âme est en moi.”
Le sevrage de l’enfant commence le jour où il mange son premier aliment solide. “Sevrer”, veut dire “cesser progressivement d’allaiter, d’alimenter en lait (un enfant), pour donner une nourriture plus solide”, selon le petit Robert.
Pour tout ceux qui se posent des questions du bon moment du sevrage, il suffit de faire confiance à l’enfant. C’est lui qui sait au mieux quand il est prêt…
“Le sevrage précoce n’est pas recommandé pour les bébés” est une affiche qui figure dans le bureau du Dr Sears… Malheureusement, de nos jours, on est obligé d’afficher de telles phrases pour soutenir les parents désireux d’un allaitement long.
Je trouve très intéressant, de voir d’où vient le “sevrage précoce” des enfants. Mme Thirion dans son livre “L’allaitement, de la naissance au sevrage” en parle.
“Un peu plus de 50% des femmes allaitent leur nouveau-né à la maternité, mais parmi elles 30 à 40% le font encore à un mois, 12% à trois mois et il n’y a que très peu d’enfant français de six mois allaités par leur mère. Ce fait est très spécifique de notre pays. Dans les statistiques scandinaves ou américaines, près d’une femme sur deux ayant allaité à la maternité allaite encore six mois après.
Pourquoi de telles chiffres: nécessité ou coutume? Cet arrêt rapide des allaitements est en fait lié à toute une évolution historique et socioculturelle de notre pays. On peut la décrire en quatre temps:
- Les femmes de l’aristocratie de l’Ancien Régime avaient recours aux nourrices pour nourrir leur bébé pendant qu’elles rependaient leur place à la cour et dans les salons. Au moment de la Révolution française, un certain nombre de femmes de la bourgeoisie ont trouvé normal d’imité ce comportement.
- Les guerres napoléoniennes, extrêmement meurtrières, ont vidé les villes et les campagnes de toute une génération de jeunes hommes. Les femmes les ont donc remplacés sur les postes de travail, ce qui a favorisé la création de tout un circuit marchand de nourrissage. Une femme aisée confiait son enfant à une nourrice, qui à son tour confiant le sien à une femme encore plus pauvre… Il existait ainsi une cascade d’emplois nourriciers en fonction des possibilités économiques des familles,
- Au cours de la guerre de 1914-1918, pour remplacer tous les jeunes hommes morts dans les tranchées, les femmes sont appelées à travailler en grand nombre en usine. Pour que leur maternité ne pèse pas sur le marché du travail, de nombreuses campagnes d’information essayent de démontrer qu’il est tout à fait possible et justifié, de nourrir les nouveaux-nés au lait de vache, et qu’il convient de les “sevrer” dès les premières minutes.
- Parallèlement, pendant les premières décennies du XXe siècle, deux grands changements de mentalités surviennent: l’apparition des mouvements féministes qui, dans leur revendication d’émancipation et de libération, rejettent dans un premier temps les charges de la maternité et militent pour l’abolition de l’allaitement; et l’évolution de la médecine qui, en quelques années, est très grande. Connaissances scientifiques et nouvelles théories envahissent les facultés et écoles dans le but de diminuer la mortalité infantile, encore majeure à cette époque. Du même coup, les médecins (hommes!) s’intéressent à la grossesse et au nouveau-né, domaines jusque-là réservés aux “bonnes femmes”. Et les nouveaux spécialistes, obstétriciens et pédiatres, rejettent violemment les traditions et habitudes des sages-femmes et des médecins de famille.
Dès le début du siècle, les pédiatres américains, à la suite de Emmet Holt, se mettent à prôner “l’élevage scientifique” des nouveaux-nés et des nourrissons: les laisser dans leur lit, ne pas les bercer, adopter des horaires fixes, des rations fixes, être une mère rigide. Il convient d’être efficace et non plus d’aimer pour être une “bonne mère”. C’est le début de la crainte morbide des microbes, des bonnes courbes de poids théoriques imposées comme normes pour tous les nouveaux-nés, des hôpitaux inhumains où les enfants se laissent dépérir de solitude et de manque de tendresse. Tout vaut mieux que de laisser mères et enfants libres au risque de se “gâter” mutuellement.
Et bien-sûr, dans cette optique, les premiers laits en poudre, réussite de la technique moderne, sont hautement considérés. Ils ne peuvent être que supérieurs au lait de “ces femmes pleines de microbes et qui ont parfois des abcès”! A partir de là, se crée tout un engrenage conduisant en bien peu d’années à l’oubli de l’allaitement et à la diversification précoce de l’allaitement.”
Ne pas sevrer l’enfant trop tôt lui permettra d’éviter d’avoir à lutter contre certains traits de caractère qui pourraient en être la conséquence: colère, agressivité, sauts d’humeur, sentiment de mal-être…
Le sevrage ne devrait survenir qu’au moment où les deux parties concernées, à savoir mère et enfant sont prêts… si l’une des parties n’est pas prête, pour quelque raison que ce soit, il y aura des suites plus ou moins lourdes à digérer.
Plus un enfant semble “compliqué” plus il montre en réalité le besoin d’un allaitement long dont le sevrage précoce serait traumatisant. (à ce propos, lire le livre de Dr William Sears
“Que faire quand bébé pleure?”)
Pour plus d’informations sur l’allaitement: