L’allaitement, un art du lâcher-prise
Peut-être à première vue, cela vous semble suspect, inhabituel de parler de lâcher-prise concernant l’allaitement. Peut-être que cela coule de source pour vous (pour moi aussi), peut-être vous vous y êtes faite petit à petit, peut-être que vous n’allaitez pas… l’approche de l’allaitement est sûrement aussi variée qu’il y a de femmes qui allaitent.
Avec mes deux allaitements à long terme, je me suis souvent posé des questions sur les “hauts et bas” de l’allaitement. Je m’explique: cela n’a rien à voir avec le débat “pour ou contre l’allaitement”, ni au fait d’arrêter ou de continuer l’allaitement. C’est juste que la fatigue de la maman suit des courbes (enfin dans mon cas) et je m’interroge souvent sur ces courbes, du pourquoi et du comment.
Les premiers mois, je n’ai normalement pas de “bas”, c’est normal que le bébé tête souvent tant pour ses besoins nutritifs que pour ses besoins affectif. Mais plus le bébé grandit, plus il commence à être éveillé, et plus le besoin de dormir une nuit complète … Quand ce besoin fait surface, on commence à penser, à vouloir diriger le rythme de notre bébé avec notre cerveau gauche, et alors tout se chamboule. Tout ce qui allait à peu près bien ne va plus, tout est de trop et on se retrouve dans un profond “bas”…
Il est si simple de se réveiller la nuit dans une semi-somnolence, quand le bébé dort soit dans le même lit, soit dans un lit juste à coté du nôtre, de le prendre, de le mettre au sein et de s’endormir dans la minute avec le bébé heureux de téter, heureux d’être à nos cotés et heureux de trouver le repos au contact de notre chaleur physique. Il est si simple de garder ce petit corps (parfois il devient grand aussi ce petit corps…) contre nous, cela nous apaise, déclenche des endorphines qui nous aident à nous rendormir… cela fait du bien à tout le monde… à condition de ne pas se poser de question, d’empêcher le cerveau gauche de prendre le dessus… parce que c’est là certainement le piège qui nous guette…
Imaginez tous les animaux mammifères, comment font-ils? Ils donnent à boire à leur petit sans se poser de questions, parce qu’ils n’ont pas notre cerveau humain, et notamment ce cerveau gauche souvent si utile mais qui peut aussi nous faire perdre le sens des choses simples… Cet acte reste naturel pour les animaux et ils le vivent très bien. Et je crois que notre défi c’est de pouvoir faire pareil en allaitant notre bébé quand il en a besoin. Je crois pouvoir dire que nous sommes fait pour répondre à cette demande, même si c’est trois ou quatre fois par nuits, même si c’est dix fois en journée. Il faut juste renoncer un peu à nos facultés rationnelles et retrouver cet instinct qui tisse secrètement ce lien d’attachement si nécessaire à l’équilibre de l’enfant..
J’ai souvent regardé l’heure du réveil de mes enfants pour savoir combien de temps ils ont dormi, pour savoir combien de fois ils se sont réveillés etc… Rien qu’en faisant cela on augmente la difficulté à se rendormir et on perd de vue petit à petit le plaisir de l’allaitement. Parce qu’on commence à raisonner sur quelque chose de naturel, d’instinctif, qui ne peut qu’être détruit si on raisonne, on finit par tendre une relation que la nature veut relaxante et chaleureuse.
Si on doit se réveiller plusieurs fois la nuit pour allaiter son bébé, cela peut être épuisant. Certes. Cela peut aussi se dérouler d’une façon simple: on garde le bébé avec nous ou on le repose dans son lit juste à coté, sans se poser aucune question, sans penser ni analyser l’heure et le nombre d’heures qui nous restent avant le réveil…
Par expérience personnelle, je peux dire que les semaines où j’ai fait ainsi cela se passait bien. Je ne peux pas dire que je n’étais pas fatiguée, mais ma fatigue était tout à fait “acceptable”… Mais il est clair que si on se couche très tard, si en plus on doit se lever pour un autre enfant qui fait des cauchemars etc, c’est plus difficile et la fatigue peut devenir alors un handicap. Pour ces moments, je n’ai pas trouvé de remède miracle, je fais avec et s’il le faut je réveille mon homme pour qu’il s’occupe du grand, mais c’est très rare. Se coucher plus tôt, ne pas s’énerver, et éteindre son cerveau gauche le plus possible en laissant notre instinct nous guider. Voilà le bon remède. On peut aussi parfois dire à nos enfants qu’on est très fatiguée et qu’on voudrait dormir la nuit et ne pas se réveiller souvent…ils comprennent… et c’est à plusieurs reprises que j’ai pu constater que dans ces moments-là, mes enfants se sont réveillés moins souvent.
Il est intéressant de savoir que la nature a bien prévue les choses… Les insomnies qui nous poursuivent en fin de grossesse ont pour finalité de nous préparer à ces nuits hachées qui vont suivre, à ces multiples réveils… notre corps se régule pour accueillir au mieux ce petite être…Dans le détail je ne sais pas exactement quel sont les hormones qui nous “portent” dans ce cas là, mais l’ocytocine doit y jouer un rôle. Savoir que notre corps est physiquement capable et préparé pour supporter quelque chose qu’on ne serait pas capable de supporter sans ce lien d’attachement qui nous lie à ce bébé devrait nous suffire pour affronter cette période de nuits écourtées, hachées et interrompues… Il faut juste donner une chance à notre corps d’assumer “son rôle” maternel et pour cela rien de mieux que d’écouter son cerveau archaïque au détriment du cerveau gauche…
Quand on entend de près ou de loin qu’un enfant qui pèse 6kg est physiquement capable de dormir la nuit, ou qu’à 8mois, on peut laisser pleurer un bébé etc, fermer vos oreilles et ne laissez pas entrer ces petites phrases toxiques atteindre votre cerveau… Vous savez ce que vous faites, vous le faites parce que vous écoutez votre instinct, cet instinct qui fait survivre l’humanité depuis des milliers d’années…
Même si on ne va pas dire à notre enfant qu’il doit dormir la nuit puisqu’il pèse 6kg on va quand même se dire “mais pourquoi il ne dort pas la nuit??” Et rien que cette question suffit à court-circuiter notre cerveau archaïque. Je ne sais pas si cela est vraiment faisable de rester à l’abri de tout discours “progressiste” (ce n’est pas péjoratif, c’est juste un terme que j’emploie ici pour désigner les opinions qui évacuent les indications du cerveau archaïque)… Il m’est arrivé régulièrement de connaître des “bas”, mais vu la longueur de mes allaitements, la joie que j’y trouve, le bonheur que cela procure à tout le monde et cette envie de ne surtout pas arrêter, je me rends compte qu’il est possible d’écouter ce bon cerveau archaïque et de lâcher-prise sur le reste.
Pour les nuits hachées, j’ai testé plusieurs “méthodes” dont celle où le papa se lève et berce l’enfant jusqu’à ce qu’il dorme… mais il faut tenir pour cela plusieurs jours… et c’est dur… et la maman ne dort pas non plus pendant ce temps… c’est certainement la “méthode” la plus douce pour apprendre aux enfants à se passer du sein de la maman, mais chez nous, on n’est pas arrivés au bout, et au final je trouve que c’est moins épuisant d’allaiter le petit mi-endormi plutôt que de le bercer des heures…Chacun se rendort en paix…
Un petit conseil personnel: plus le bébé est proche de notre lit, moins on se réveille. Il y a bien des nuits où je me suis étonnée de voir que mon bébé était avec moi dans mon lit… je n’avais aucun souvenir de l’avoir pris… Voilà ce qu’on peut faire quand on dort à moitié… mais pour cela il faut que le bébé soit proche. S’il faut aller dans une autre pièce et éventuellement aussi allumer une lumière, on se réveille complètement et le sommeil est plus difficile à trouver après. Même pour aller aux toilettes, il est préférable de ne pas allumer une lumière, de fermer presque les yeux… comme pour l’accouchement, dès qu’on a de la lumière, dès que nos yeux sont actifs, l’adrénaline envahi notre organisme et nous empêche de retrouver le calme et le sommeil juste après.
Je tiens à préciser que je parle uniquement de l’enfant qui n’a pas de soucis particuliers (physiques ou psychiques), qui se réveille plus ou moins souvent la nuit et qui finit un beau-jour (quand vous n’y croyez plus…) par faire ses nuits! Si c’est à 4, 9 ou 14 mois, voire plus, c’est l’enfant qui vous réserve la surprise…
Je voudrais également dire que les bébés suivent des phases, des cycles bien à eux, liés à leur développement, liés à ce qu’ils vivent en journée etc… C’est pour cela que pendant un moment le bébé peut quasiment faire ses nuits (d’ailleurs, ce terme ne veut rien dire, puisqu’on considère qu’un bébé fait ses nuits quand il dort 6h d’affilé… peu importe l’heure du coucher… donc si on le couche à 21h et qu’il dort jusqu’à 3h du matin il fait ses nuits… mais l’adulte n’a pas la même notion…), et tout d’un coup se réveiller plusieurs fois la nuit.
Je crois qu’il est impossible de savoir pourquoi l’enfant se réveille telle ou telle nuit plus souvent. Le plus simple c’est, d’écouter son besoin, même s’il n’est pas forcément “nutritif”, mais affectif et de l’allaiter. L’allaitement est tellement bien fait qu’il répond aux multiples besoins de l’enfant (il très intéressant aussi de noter son effet “anesthésiant” en cas de douleurs dentaires par ex… ).
Écouter ce besoin instinctif de l’enfant, le rassurer par votre présence, et lui montrer ainsi qu’il peut trouver du réconfort me semble la meilleure des choses à faire…Cela peut paraître parfois difficile. Mais là encore, je crois qu’il faut faut voir le bon coté des choses, vivre soi-même sa nature profonde, écouter son corps et celui du bébé… Quand on y pense, c’est quand même quelque chose de formidable cet allaitement!
L’enfant à cet âge ne fait pas du “terrorisme parental” ! Il a juste des besoins auxquels il faut essayer de répondre du mieux qu’on peut… On est parent 24h/24h, c’est probablement le boulot le plus exigeant, le plus prenant mais de loin aussi le plus gratifiant… Alors courage aux mamans et papas qui doivent se lever la nuit… ce n’est que passager et dans quelques mois (ou années) l’enfant pourra dormir tout seul toute la nuit sans insomnie, tranquille, parce que ses besoins auront été écoutés et comblés.