Désir de Vie
Il n’existe pas de trame unique pour vivre la grossesse et l’accouchement. Il y a tant de facteurs qui jouent: l’environnement extérieur, notre passé psychique, notre forme physique… Il y a autant de chemins différents que de femmes et pour chaque femme cela varie d’une grossesse à l’autre. Il y a pourtant quelques éléments importants qui peuvent nous aider à garder la bonne orientation…
Les études actuelles mettent de plus en plus au grand jour l’importance d’une vie saine, naturelle et à l’écoute du corps pendant la grossesse. Cela va de la nourriture au sommeil en passant par toute la gamme d’émotions par lesquelles passe la maman. Même si nous ne savons pas exactement ce que ce petit être ressent dans notre ventre, nous pouvons quand même essayer de lui offir une arrivée douce dans notre vie.
Aujourd’hui on sait que la tristesse, la peur, les frustrations, les cris sont vécus autant par la maman que par le bébé. Peu importe l’émotion que la maman transmet à son bébé, lorsque c’est un sentiment négatif, la bébé le perçoit certainement aussi de cette façon. Ainsi, trop de mauvais moments, trop de peurs peuvent finir par laisser quelques traces. Ce qui est habituellement valable pour tout un chacun, l’est d’autant plus pour l’enfant à naître. Plus on vit des moments d’empreinte négative, plus cela se traduit dans notre comportement. Et en l’occurrence, plus un être est petit, plus il est vulnérable aux émotions.
La vie n’est pourtant pas si complexe. Elle demande un brin de sagesse et un zeste d’ivresse joyeuse…
S’abandonner à la joie…à l’amour. Chercher dans chaque moment le bonheur, le calme, la sérénité. Abandonner les peurs, éviter les mauvais contacts ou les transformer en contacts positifs, vivre sereinement, fuir le bruit de la foule, des radios et télévisions… La liste est longue des attitudes à adopter pour transformer notre vie parfois un peu grise en une vie d’amour empreinte de sérénité.
Et, si on laissait de coté parfois notre orgueil, notre fierté, cela ne ferait pas de mal non plus. Même si nous savons instinctivement que la relation mère-enfant se tisse dès le début de la grossesse, nous avons parfois du mal à nous lâcher pour vraiment vivre cette relation. Ainsi, nous n’osons pas, ou trop peu, parler au bébé. Cela peut nous paraître si étrange de parler à haute voix à quelqu’un qu’on ne voit pas, qui ne nous répond pas…
Nous sommes très heureuses de sentir notre bébé bouger de temps en temps. Nous pensons qu’il veut nous dire quelque chose, se faire sentir… Mais prenons-nous réellement l’initiative pour établir un contact avec lui tous les jours? Prenons-nous nous le temps de ralentir notre rythme, de prendre du temps rien qu’à nous trois: père, mère et enfant? Pourquoi sommes-nous si peu disposés à entendre le prénom qu’il essaie de nous souffler? Pourquoi ne le faisons-nous pas? Cela nous parait ridicule, dérisoire, insignifiant…
Nous devrions abandonner notre ego et vivre la vie, vivre notre relation avec le bébé, lui parler, l’appeler par son prénom. Cela ne lui sert à rien d’avoir une chambre neuve, avec une peinture fraîche, des meubles nouveaux. Le bébé est aussi bien enveloppé dans une couverture chaude..Notre premier souci pour accueillir un bébé est souvent matériel. Mais, il s’en moque de tout cela… Il ne connaît pas encore les esclavages de notre société de consommation. Ce qui est important pour lui, c’est la relation. Et cela dès que possible.
Si nous prenions l’habitude de parler à notre bébé, nous l’oublierions moins pendant la naissance. Et lui parviendrait à nous aider plus. Et oui, même lors d’une naissance naturelle on essaie de ressentir le moins possible la douleur en prenant des positions propices. Mais pourquoi donc pensons-nous si peu au petit bébé qui vit lui aussi un étrange passage?… Pourquoi nous réfugions-nous dans une peur, dans la douleur?.. La peur nous empêche de nous ouvrir à la vie, elle nous enferme… et pourtant, que nous est-il demandé le plus en ce moment précis? Le don. Le don de la vie…de l’amour. Ce don à la fois générosité ultime et source de Vie.
Si pendant les heures de l’accouchement on se centrait plus sur notre petit bébé, cela serait plus simple pour tout le monde… et paradoxalement, moins douloureux physiquement pour la maman. Nous nous compliquons souvent la vie avec nos crispations, nos angoisses, notre peur du lâcher-prise… Et pourtant, cela serait tellement plus simple autrement! Mais voilà…notre société tellement “libérée” nous conditionne pour la douleur. C’est forcément douloureux d’accoucher, on le sait des livres, des médecins, de la famille… L’attitude psychique que nous avons envers l’accouchement est donc empreinte de la douleur et du “must” de la ressentir…
Pourquoi avons-nous tant du mal à laisser notre ego de coté? Pourquoi n’apprenons-nous pas plus à nous ouvrir aux autres en temps de difficulté? L’autoprotection de notre ego est si fort… qu’on en oublie les autres… Nous ne regardons plus que notre petit ego et nous oublions le reste. Et, lors de la naissance la carapace créée par protection pour ne pas souffrir nous empêche de prendre contact avec notre bébé pour faire à deux ce cheminement. Si nous étions en confiance, en relation intime avec le bébé, notre serions moins facilement victimes de nos souffrances. La douleur est, entre autre, notre façon de vivre une souffrance.
Finalement nous voilà avec un nourrisson dans nos bras… On le tient fort…comme quelque chose qui nous appartiendrait…Et pourtant…La Vie nous le confie…L’ego peut à nouveau nous piéger…pour nous faire croire que ce souffle nouveau est notre possession…Écoutons la voix de Khalil Gibran dont l’enseignement est autant un avertissement:
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles du désir de Vie.
Ils viennent par vous, mais non de vous,
et bien qu’ils soient avec vous, ils ne sont pas à vous.
Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées,
car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez abriter leurs corps, mais pas leurs âmes,
car leurs âmes habitent une maison de demain,
que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer de leur ressembler,
mais ne les obligez pas à vous ressembler.
Car la vie ne revient pas en arrière et ne s’attarde pas sur le passé.
Vous êtes les arcs qui propulsent vos enfants comme de vivantes flèches.
L’Archer voit la cible sur le chemin de l’infini, et Il vous courbe de toute Sa force
afin que ses flèches partent vite et loin.
Laissez-vous tendre joyeusement dans la main de l’Archer,
car Il aime autant la flèche qui fuse que l’arc qui demeure immobile.
Et oui, encore et toujours lâcher-prise… On ne possède personne, pas même son “propre” bébé. L’amour ne peut être possessif, mais communicatif et diffusif. Tout ce qui veut limiter ou réduire le champs de l’amour est contre l’amour. Il ne faut pas confondre le besoin physique du nouveau-né d’être proche de ses parents et la fusionnalité possesive annihilante pour la personnalité en devenir du bébé.
La personnalité de “notre” bébé est entière comme celle de chacun d’entre nous. La page de vie que nous tournons à la naissance n’est pas la première. Elle n’est pas vierge. Où et quand le livre commence, je ne le sais pas, mais il commence au moins au début de la grossesse… Cette petite personne a déjà un passé et elle vit avec lui dans ce monde nouveau dont nous lui frayons le passage.
Prenons-le alors comme un livre ouvert qui essaie de communiquer avec nous à travers ses rires et ses pleurs. Accompagnons-le d’une manière compréhensive dans ses nombreux pleurs les premiers mois…
Nous voulons être considéré comme “sa maman” ou “on papa”, mais essayons-nous au moins de comprendre notre bébé? Sommes-nous vraiment dans ce lâcher-prise qui nous permet d’écouter notre bébé toujours et encore? C’est une fonction exigeante celle d’être parents… mais ne nous trompons pas de moyens ni de but…L’ego peut facilement nous détourner de la cible…