D’où vient l’éducation cosmique ?
L’éducation cosmique de Maria Montessori est constituée par l’ensemble des ressources qui permettent aux enfants de 6 à 12 ans de découvrir et d’explorer l’univers pour apprendre à interagir positivement avec le monde dans le respect de sa cohérence globale. “Cosmique” est ainsi emprunté au grec ancien κόσμος, kósmos montrant une intention de faire découvrir l’ensemble du monde et de ses existants pour aider l’enfant à y trouver sa place et ainsi participer à sa continuité et son évolution.
“La tâche de l’enseignant devient alors simple, car au lieu de choisir ce qu’il faut apprendre à son élève, il doit tout simplement lui proposer un choix aussi vaste que possible pour rassasier son appétit intellectuel. La liberté de l’enfant doit être absolue : sur ces bases, il n’aura besoin de rien d’autres que d’expériences répétées, sachant que celles-ci, dans le processus d’acquisition d’une connaissance donnée, susciteront chez lui plus d’intérêt et d’attention” (Maria Montessori, p.18).
Le développement de cette approche dynamique s’est faite en Inde où Maria Montessori fut contrainte de se réfugier pour poursuivre ses expériences pédagogiques à l’abri des menaces de la deuxième guerre mondiale. C’est précisément à Kodaikanal, dans cette région pastorale de l’inde, que Maria Montessori a poursuivi ses travaux de recherche. Dans cet environnement naturel, la Dotoressa bénéficiera d’un nouveau terreau d’observation, entre différentes cultures (notamment indienne et anglaise), qui lui permettra de féconder une dynamique pédagogique inscrivant ce temps de l’enfance dans l’exploration de la grande aventure de la vie.
Comprendre le monde et y trouver sa place
De par cette ouverture à tous les existants situés entre ciel et terre, l’enfant est amené à prendre conscience de son appartenance au monde du vivant. L’Education Cosmique ouvre le regard de l’enfant sur cette longue et riche histoire de l’évolution de l’univers, de la terre et du vivant. Cette pédagogie globale a ainsi pour intention d’aider à faire prendre conscience que la vie est un tout. L’homme se découvre alors comme un existant parmi les autres à qui il revient de devenir acteur des innombrables interactions qui participent au développement équilibrée d’un écosystème diversifiée.
“On y explique aussi de quelle manière notre idée de l’évolution de la vie sur la terre a été modifiée par les récentes découvertes faites dans les domaines de la géologie et de la biologie, de telle sorte que l’élément moteur principal ne semble plus être le perfectionnement de l’individu, mais la collaboration entre les pulsions primaires naturelles” (Maria Montessori, p.12).
Ainsi l’enfant est-il invité à progressivement rechercher comment il pourra contribuer à participer et évoluer dans ce monde dont la diversité favorise le développement et l’équilibre. Pour évoquer cette contribution de chaque existant (minéral, végétal, animal ou humain), Maria Montessori propose le concept fonctionnel de “ tâche cosmique “ qui s’observe dans la participation spécifique de chaque individu à l’évolution harmonieuse de notre monde.
“On rappellera constamment la fonction que chaque élément -sous peine de sa propre disparition- doit remplir consciemment dans le grand ensemble de la Nature” (Maria Montessori, p.12).
Pour les enfants de 6 à 12 ans on sera donc attentif à leur offrir la possibilité d’expérimenter le monde extérieur. “Aller dehors” pour explorer et découvrir ce monde tissé d’interactions afin de l’apprivoiser et de trouver un jour où et comment l’enfant pourra lui apporter une contribution utile et féconde. A cet explorateur du monde qu’est l’enfant, l’Education Cosmique offre le vaste panorama de l’évolution pour qu’il amorce son voyage sans fin au cœur du vivant dans toutes ses dimensions.
“Et du moment qu’il faut donner à l’enfant si généreusement, comme nous venons de le montrer, offrons-lui une vision de l’univers tout entier. Nous marcherons ensemble sur ce chemin de la vie, car toutes les choses font partie de l’univers et sont reliées entre elles pour former un tout unique” (Maria Montessori, p.19).
On voit ainsi comment l’Education Cosmique s’inscrit dans une dynamique écologique qui situe l’homme et son devenir dans sa juste et coopérante interaction avec le monde.
Education Cosmique et Théorie de l’Evolution
Le concept d’Education Cosmique ne peut se comprendre sans le fonds de pensée dans lequel il puise pour s’élaborer. Maria Montessori, observatrice du vivant et scientifique, s’est appuyée sur les plus récentes découvertes de son époque pour élaborer sa proposition pédagogique. Ainsi, le concept d’évolution imprègne l’ensemble de ses développements applicatifs comme des grands récits qui ouvrent le regard de l’enfant aux plus infimes transformations du monde.
“Les huit chapitres suivants suggèrent une manière de révéler le Plan cosmique à l’enfant par le récit passionnant de l’histoire de la terre et de ses multiples transformations tout au long des ères, du temps où l’eau était l’instrument docile et le plus important de la nature” (Maria Montessori, p.12).
On désigne aujourd’hui par “évolution” les processus de transformation par lesquels les espèces se modifient au cours du temps. L’Education Cosmique, dans son intention d’ouvrir sur le panorama du monde, le fera ainsi appréhender aux enfants dans ses dynamiques de transformations et d’évolution au cours du temps.
“On peut par métaphore dire que la sélection naturelle est à chaque instant et dans l’univers entier, occupée à scruter les moindres variations ; rebutant celles qui sont mauvaises, conservant et additionnant toutes celles qui sont bonnes ; travaillant insensiblement et sans bruit, partout et toutes les fois que l’occasion s’en présente, à l’amélioration de chaque être organisé, dans ses rapports tant avec le monde organique qu’avec les conditions inorganiques. Nous ne voyons les progrès de ces lents changements que lorsque la main du temps a marqué le cours des âges ; et encore les connaissances que nous pouvons acquérir sur les périodes géologiques depuis longtemps écoulées sont-elles si imparfaites, que nous voyons seulement que les formes actuelles de ce qu’elles étaient autrefois” (Charles Darwin, L’origine des espèces).
Au travers de cette citation du célèbre Naturaliste, on peut voir comment l’Education Cosmique et les grands récits qui l’organisent s’appuient sur toutes les recherches autour de l’histoire de l’évolution de la vie .
L’Education Cosmique face aux enjeux de notre époque
Avant que n’advienne l’agriculture industrielle et plus encore à l’époque de nos ancêtres “chasseurs-cueilleurs”, les modes de vie humains exigeaient de nombreuses connaissances et compétences pour évoluer dans un environnement naturel à la fois complexe et peu prévisible. Les chasseurs-cueilleurs développaient des habiletés très précises pour chasser du gibier ou récolter des plantes. A l’image du célèbre Sherlock Holmes, en observant avec finesse les indices laissées par des empreintes dans la boue ou parmi les feuilles, en corrélant ces indices, en s’appuyant sur toute leur mémoire expérientielle, ils étaient en mesure de poser des hypothèses fiables concernant la provenance, la taille, la vitesse, l’heure de passage ou encore la direction prise par l’animal. Aucun indice n’était laissé au hasard ; le signe le plus infime était lors scruté et faisait l’objet d’un examen attentif ainsi que d’une discussion utile pour évaluer puis extrapoler des plausibilités.
L’Education Cosmique vient répondre au manque de compréhension du vivant et de ses évolutions à travers l’histoire. Elle offre aux nouvelles générations la possibilité de retrouver les facultés de nos ancêtres “chasseurs-cueilleurs” dont nous avons perdu certaines compétences comme la capacité d’observation des nuances, des détails, de l’infime ou encore cette faculté de percevoir les transformations ou les transitions pour mieux en épouser la nécessité. Si nous mettons aujourd’hui du temps à réagir collectivement aux enjeux écologiques de notre époque, ne serait-ce pas du au fait que nous avons une conscience insuffisante de la grande histoire de l’évolution à laquelle nous appartenons mais aussi de notre solidarité fonctionnelle avec tous les existants qui nous entourent. L’espèce humaine semble en train de réaliser que sans le monde végétal elle ne pourra pas survivre. Du moins serait-il souhaitable qu’elle en prenne à nouveau conscience. Car, pour reprendre les mots de Pierre Rahbi :
“La planète ne nous appartient pas, c’est nous qui lui appartenons. Nous passons, elle demeure” (Manifeste pour la Terre et l’Humanisme).
Au regard des enjeux écologiques que nous connaissons aujourd’hui et de notre nécessaire adaptation aux évolutions constatées à travers le monde (impact de nos modes de vie sur les espèces vivantes et la planète), l’Education Cosmique permet aux générations à venir de renouer avec la longue histoire des hommes mais aussi de la terre et de l’univers tout en développant une compréhension profonde du vivant et de ses interactions vitales. Elle permet aussi de développer cette modestie face à cette histoire de la Vie dont nous héritons et dont nous sommes invités à poursuivre l’œuvre. Comme le dit Jérémy Nerby, “les humains peuvent apprendre de la nature. Cela requiert de saisir la capacité de savoir du monde naturel. Nous sommes une jeune espèce, et nous commençons tout juste à comprendre” (J. Narby, p.170).
L’Education Cosmique offre ainsi un terreau favorable pour que les générations actuelles retrouvent cette capacité d’observation attentive et patiente de la nature pour que chacun, à sa mesure, puisse contribuer à sauvegarder la nécessaire diversité de tous les “agents cosmiques” dont la cohérence et la cohésion assurent la pérennisation du vivant. En ce qui concerne les humains que nous sommes, nous ne pouvons exister ni en en marge de la nature, ni du cosmos. L’histoire de l’évolution pourrait se continuer sans nous si nous perdions de vue que nous ne sommes que l’un des phénomènes du vivant. Ainsi l’Education Cosmique contribue à éclairer les origines de la biodiversité pour mieux faire appréhender aux enfants ses transformations, sa complexité et la fécondité de ses interactions.
Eymeric de Saint Germain
Bibliographie :
MONTESSORI M., Eduquer le potentiel humain, Desclée de Brower,2003.
NARBY J., Intelligence dans la nature. En quête du savoir, Ed. Buchet/Chastel, 2005
RAHBI P., Manifeste pour la Terre et l’Humaniste, Actes Sud, 2008.
DARWIN C., TORT P., L’origine des espèces : Par le moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie, Honoré Champion Editeur, 2009
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