Introduction aux activités culturelles
Dans le cadre de son œuvre pédagogique, Maria Montessori a développé toute une réflexion autour de l’éducation cosmique. Scientifique de formation, la pédagogue s’est intéressée aux questions de l’évolution et s’est efforcée de scruter toute sa vie les secrets de l’univers. Pour comprendre le sens des premières activités culturelles qui sont proposées aux enfants de moins de 5 ans, il est important de dire quelques mots de cette approche cosmique qui est finalement comme la clé de voûte de son œuvre pédagogique. Le plan cosmique est présenté aux enfants de plus de 6 ans qui sont alors aptes à acquérir la culture et à découvrir le pourquoi des choses.
Dans son ouvrage “Éduquer le potentiel humain”, Maria Montessori expose le but de cette présentation. “L’éducation d’un enfant âgé de six et douze ans ne s’inscrit pas dans la continuité directe de celle qui l’a précédée, même si elle doit se fonder sur les mêmes bases. Sur le plan psychologique, un changement profond s’opère dans la personnalité de l’enfant: nous constatons que la nature en a fait une période apte à l’acquisition de la culture, comme la précédente l’avait été pour l’assimilation de l’environnement. Désormais le développement de la conscience est considérable et celle-ci, si elle était éveillée auparavant, se tourne maintenant en particulier vers l’extérieur: l’intelligence devient extravertie et l’enfant demande plus que jamais le pourquoi des choses.
Sachant que les connaissances sont imparties de manière optimale quand il existe un désir ardent d’apprendre, cette période est celle où peuvent être jetées les graines de toute chose, car l’esprit de l’enfant est comme une terre fertile prête à recevoir ce qui s’épanouira par la suite sous forme de culture. Dans le cas contraire, si à cette époque l’esprit de l’enfant est négligé ou frustré dans ses exigences, par la suite il deviendra artificiellement obtus et s’opposera à l’enseignement de toute notion. Si la graine est jetée trop tard, l’intérêt aura disparu; à l’inverse, à l’âge de 6 ans toute sorte de culture est reçue avec enthousiasme, sachant que plus tard les graines pourront germer et s’épanouir. A la question de savoir combien de graines faut-il semer, je réponds : “le plus possible!”.
En regardant autour de nous, au vu du développement de la civilisation au stade actuel de l’évolution, nous ne verrons pas de limites à ce qui doit être offert à l’enfant: étant donné qu’il trouvera devant lui un champ immense où choisir son activité, l’obstacle de l’ignorance ne devra pas l’entraver. Toutefois, il est évident que lui offrir la culture moderne de manière exhaustive est chose impossible, d’où la nécessité d’une méthode adaptée qui permette de lui présenter tous les facteurs de la culture; non par des notions détaillées au sein d’un programme imposé, mais en développant chez l’enfant autant de centres d’intérêt que possible. Ces graines reçues par son esprit à cette période, germeront plus tard au fur et à mesure que sa volonté se précisera en lui permettant de devenir un individu adapté à l’époque en expansion qui est la nôtre.”
Le but de l’éducation cosmique est ensuite ainsi expliqué par Maria Montessori: “si l’idée de l’univers est présentée à l’enfant de manière adéquate, elle fera beaucoup plus qu’éveiller son intérêt: elle suscitera chez lui l’admiration et l’émerveillement, sentiments bien plus élevés et riches en satisfactions que le simple intérêt. La pensée de l’enfant cessera alors de vagabonder et pourra enfin se fixer, son intelligence se mettre au travail. Ses connaissances seront organisées et systématiques; en lui offrant une vision d’ensemble, on aidera son intelligence à se développer pleinement, car son intérêt ira à toutes les choses, car toutes les choses sont reliées entre elles et trouvent leu place dans l’univers qui, lui, est au cœur de sa pensée. Les étoiles, la terre, les rochers et la vie sous toutes ses formes, s’organisent en un seul ensemble et entretiennent entre eux des relations étroites, si étroites et si intimes qu’il est impossible de comprendre la nature d’un rocher sans, par la même occasion, apprendre aussi quelque chose au sujet du soleil! Quelque soit l’objet de notre intérêt, atome ou cellule, nous ne pouvons l’expliquer sans prendre en compte la connaissance de l’univers immense qui nous entoure. Quelle meilleure réponse pourrions-nous fournir à ces assoiffés de savoir. On pourrait presque se demander si l’univers lui-même peut suffire…Comment s’est-il formé, va-t-il un jour prendre fin? C’est ainsi que surgit une curiosité encore plus grande, impossible à rassasier, qui durera toute la vie. Les lois de l’univers peuvent être exposées de façon à intriguer l’enfant et à susciter son émerveillement“.
Ces quelques lignes sont importantes à garder en mémoire avant d’aborder les activités culturelles qui sont la préparation à toute l’éducation cosmique. A la différence de l’animal dont les facultés d’adaptation sont inhérentes à ses gênes, l’être humain doit apprendre à s’adapter à son environnement par le biais des acquisitions culturelles. Les “expatriés” en savent quelque chose…Cette adaptation est rendue possible grâce aux tendances de l’être humain qui lui permettent de transcender l’ordre biologique pour assurer son évolution culturelle. Maria Montessori, en observant les enfants, à identifier quatorze traits comportementaux caractéristiques de l’être humain dont la combinaison constitue la spécificité de notre espèce. Ces quatorze tendances fondamentales sont: l’exploration, l’ordonnancement, la vie en société, la communication, l’abstraction, la curiosité, les capacités de calcul, le travail, la répétition, la concentration, la maîtrise de soi, la perfection, la créativité et l’indépendance.
Toutes ces tendances vont engendrer des aspects spécifiques de nos adaptations culturelles. Prenons quelques exemples pour illustrer cela.
Le rapport spécifique que l’homme entretient avec son environnement dépend de sa tendance à explorer et ordonner. Ainsi, l’histoire naturelle est une science qui se développe principalement grâce à ces deux facultés.
Nos capacités de langage et notre tendance à “abstraire” de nos expériences afin de nous construire une représentation intelligible du monde et soutenue par notre tendance à la curiosité. Ce désir insatiable de connaître le comment et le pourquoi des choses est le fondement de ce que nous appelons la culture scientifique.
Les modifications que l’être humain apporte en permanence à son environnement sont elles le fruits de sa tendance au travail et à la mesure des choses. Toute l’histoire de l’architecture est en le témoin.
Notre tendance à rechercher la perfection et de beauté est la source de tous les développements artistiques de l’histoire humaine.
A travers ces quelques exemples nous pouvons voir comment les tendances inhérentes à la nature humaine sont à l’origine de tous les développements culturels.
Les activités proposées par la pédagogie Montessori pour les plus jeunes enfants vont ainsi s’appuyer sur ces tendances propres à l’être humain en les corrélant à différents aspects de la culture.
Pour répondre à la soif exploratrice de l’enfant, on présentera les premières activités de géographie en insistant sur le fait que la terre accueille de multiples environnements qui ont façonné des cultures humaines différentes. Ensuite, les premiers éléments d’histoire naturelle permettront à l’enfant de réaliser de nouvelles classifications botaniques. Les premières présentations “scientifiques” permettront à l’enfant de saisir quelques lois naturelles comme le magnétisme ou l’optique afin d’aiguiser sa curiosité. Nous rajouterons aux “classiques” de la pédagogie Montessori des activités artistiques comme la peinture et la musique pour faire goûter à l’enfant les joies du beau et de l’harmonie. Car, nous sommes persuadés que l’art est un chemin pour l’homme et qu’il favorise notamment par la musique un meilleur “vivre ensemble”…