Ateliers Montessori pour les enfants de 0-12 ans en Alsace, Formations Montessori pour les adultes, Education Cosmique 6-12 ans, Accompagnement pour l'Orientation professionnelle des jeunes

Le potentiel est-il vraiment en nous?

La question du potentiel revient souvent lorsqu’il s’agit d’évoquer le développement possible d’un individu. La réduction est parfois vite opérée entre ceux qui semblent “avoir” du potentiel et les autres. Mais, en observant attentivement le processus d’une réussite on peut constater que le potentiel représente ce cours des choses sur lequel un ou plusieurs individus ont su s’appuyer pour faire advenir un succès constaté. Voici trois points clé qui vous permettront d’appréhender ce sujet au cœur de la thèse d’Yves Richez.

Afficher l'image d'origine
Exteriorité psychologique du potentiel :
“L’Homme n’a ni tout en lui, ni de potentiel à proprement parler, mais il possède ou peu développer les habiletés, les compétences pour traduire les “forces” du réel à son avantage”. Dans sa Thèse doctorale, Yves Richez est conduit par l’observation en situation à questionner un paradigme occidental qui « voit[1] » le potentiel comme une dimension intrinsèque à la psyché et qui viendrait à s’actualiser principalement par le travail du/sur « soi ». C’est ainsi que l’on en vient rapidement à distinguer les individus en fonction d’un potentiel mesuré selon des critères psychométriques. 
Cependant, l’observation du réel, qu’il soit humain, animal ou végétal montre que la dimension intrinsèque du « sujet » ne peut à elle seule expliquer son évolution remarquable. Il existe par ailleurs bon nombre de situations pour lesquelles un individu « mesuré[2] » à potentiel limité parvient finalement à ce qu’on pourrait appeler « réussir sa vie ». Que ce soit pour un humain, un animal, ou une plante, la configuration dans laquelle il évolue sera plus ou moins favorable (avec ou sans potentiel). 
La configuration polarise le déploiement des facultés observées
Il peut s’agir d’une orchidée trop arrosée ou sans lumière, d’un Golden Retriever qui vit cloîtré dans un (petit) appartement, ou d’un humain qui doit apprendre une langue étrangère dans un livre de grammaire sans soutien, la croissance (l’actualisation) ne sera pas optimale ou pourra même se voir obstruée en raison d’un potentiel (une situation) qui n’est pas de lui-même doué d’un effet porteur.
Ainsi, la croissance d’un phénomène de quelque nature qu’il soit dépend de ce que la pensée chinoise appelle un “moment-position”, autrement nommé configuration, d’où une disponibilité rend possible l’actualisation d’un potentiel. Si je souhaite développer des habiletés équestres permettant la randonnée en milieu naturel, la configuration “apprentissage en club” ne sera pas suffisamment favorable au développement spécifique des dites capacités appropriées pour des grands galops en toute liberté.

Nécessité et Utilité :
Pour que le développement de compétences puisse se faire dans une configuration donnée, il y faut une polarisation du réel qui “attire” le développement des habiletés corrélées à une situation donnée. 
Dans l’exemple équestre, la configuration “milieu naturel” polarise le développement de capacités notamment d’observation, de dextérité (obstacles forestiers), d’ajustement en temps réel de l’action (possible rencontre avec des sangliers), d’anticipation d’une évolution (passage de la forêt à la prairie) dont l’entraînement dans un club classique ne permettrait pas l’entraînement adéquat. C’est bien parce que ces capacités sont utiles et nécessaires dans le milieu (configuration) qu’elles sont en mesure de se développer sans que la “personnalité” du cavalier y soit pour quelque chose.
Je peux avoir pour objectif de développer les facultés mentionnées ci-dessus, mais si la configuration ne polarise pas leur développement, ces capacités resteront à l’état embryonnaire. 
“Le potentiel n’est pas “en nous”, le potentiel – ce que nous nommons potentialité – relève d’une activation produite par les polarités inhérentes au réel” (p.182).

L’activation dont il est ici question est dynamisée par le couple nécessité-utilité qui, dans une situation donnée, va permettre de mobiliser et de développer des habiletés spécifiques. 
Nécessité implique le principe d’une “spontanéité”, non de l’être, mais d’une polarisation entre une situation et une habileté. Ceci vaut aussi pour la faune et la flore. Utilité désigne l’avantage pratique soit un résultat supérieur à l’existant pour une extériorité à “soi”. 
Ainsi, de deux musiciens, l’un ayant commencé très jeune avec par exemple une disposition rythmique naturelle et l’autre ayant débuté plus tard sans cette aptitude naturelle, un écart favorable au moins expérimenté pourrait être finalement constaté si ce dernier, par exemple, a rapidement intégré un groupe pour lequel le développement de ses capacités s’avère utile et nécessaire ; et, dans le sens inverse, si celui qui possède la disposition naturelle ne peut jouer, faute de configuration ou de potentiel, voire (pire) si le potentiel est obstruant, bloquant, il pourra passer pour un joueur “moyen” ou pire, “nul”. Ce n’est donc pas le talent qui s’observe, ce sont les conditions qu’offrent le potentiel grâce auxquels les « facultés/habiletés » d’une personne, d’un groupe de personnes vont pouvoir se déployer.
“Dépsychologiser” le sujet de l’actualisation du potentiel :
L’humain n’a donc pas en lui-même du potentiel ; du moins ses capacités disponibles ne peuvent se développer sans une corrélation cohérente à un contexte (configuration-potentiel) qui de lui-même va en favoriser l’activation et le développement. Sans ce contexte adéquat et une polarité nécessité-utilité clairement observable, le développement des capacités, aussi désirées qu’elles soient, ne pourra se réaliser de façon remarquable : “il faut de la configuration (moment-position) pour qu’il y ait du potentiel et de l’utilité-nécessaire pour que le potentiel s’actualise” (id. p. 208).
C’est la raison pour laquelle la capacité à regarder une situation non d’une façon abstraite mais sans décoller du réel est si utile. L’enjeu du développement des potentiels relève bien d’une faculté à regarder ce qu’il y a comme disponibilité dans une configuration donnée (un potentiel) propre à mobiliser les capacités opératoires dont l’activation en situation permettra de produire un résultat utile. “Ce n’est pas l’humain qui “a” du potentiel, mais un ensemble d’habiletés corrélables avec des situations potentialisables par évaluation d’une utilité, d’une nécessité” (id. p. 485).
Yves Richez, par son travail transculturel et transdisciplinaire, nous invite à regarder autrement le développement des potentiels : un moment-position qui montre de la disponibilité, une utilité-nécessité qui active une propension au développement et des habiletés dont la corrélation ajustée à la configuration vont permettre de faire advenir un résultat.
Le “regardé” se trouve au cœur de cet apprentissage pour tous les professionnels qui se trouvent dans des situations de détection, d’évaluation, d’accompagnement et d’actualisation de potentiels. Car, il s’agira toujours de pouvoir observer quelle dynamique est à l’œuvre lorsque certaines capacités sont habilement corrélées dans une situation donnée. Un enfant biculturel devient rapidement bilingue lorsque ses parents s’adressent à lui dans leur langue respective. La maîtrise de ces deux langues est pour lui utile et nécessaire : ainsi développe-t-il une capacité linguistique remarquable sans avoir eu à passer ne serait-ce qu’une heure sur un ouvrage de grammaire. Une configuration, une utilité-nécessité, des capacités corrélées…telle est la logique autant réelle que non psychologique du développement des potentiels.

                                                                                                                        Eymeric de Saint Germain

Bibliographie :
RICHEZ Y., Emergence et actualisation des potentiels humains, Mémoire de recherche, Université de Tours 2006, 399 p.
RICHEZ Y., Stratégie d’actualisation des potentiels, Qui-opère-selon-stratégie, Thèse doctorale, Université Paris Diderot, 2015, 972 p.
[2]Le terme « mesuré » est préféré à « évaluer » en raison de sa dominante métrique, alors que l’évaluation est liée à une dominante d’observation des écarts entre un « observé » et un attendu/escompté.
Tags :